Le Canada et le maintien de la paix de l'ONU : De leader à spectateur réticent
Introduction
L'engagement du Canada dans les missions de maintien de la paix autorisées par l'ONU depuis la création de l'organisation internationale en 1945 fait désormais partie d'une mythologie nationale et constitue une croyance largement répandue et profondément ancrée, du moins chez les « anciennes générations » de Canadiens , selon laquelle le maintien de la paix fait partie de l'identité nationale du Canada en tant que bon citoyen du monde. Toutefois, depuis le tournant du millénaire, cet engagement est davantage lié à notre histoire qu'à notre présent. Cet article se penche sur l'histoire, tout en notant le déclin rapide depuis la seconde moitié des années 1990, et le rejet ou la réticence des gouvernements suivants à se réengager dans le maintien de la paix.
De l'« âge d'or » à l'abandon du maintien de la paix
Le 7 novembre 1956, l'Assemblée générale des Nations unies a adopté la résolution A/RES/1001(ES-I) autorisant le Secrétaire général à créer une force de maintien de la paix à envoyer au canal de Suez, où elle remplacerait les forces militaires israéliennes, britanniques et françaises qui avaient envahi l'Égypte en réponse à l'annonce par le président Gamal Abdel Nasser, à la fin du mois de juillet, de la nationalisation de la Compagnie du canal de Suez. Le commandant de la nouvelle Force d'urgence des Nations unies (FUNU) sera un Canadien, le major-général E. L. M. (« Tommy ») Burns, alors chef d'état-major de l'Organisme des Nations unies chargé de la surveillance de la trêve (ONUST). Le Canada a également accepté de fournir un contingent de troupes à la FUNU pour ses fonctions d'approvisionnement et de logistique.
La notion populaire du Canada en tant que gardien de la paix de l'ONU est apparue avec la « crise de Suez » et la proposition du secrétaire d'État aux affaires extérieures, Lester B. Pearson, au secrétaire général de l'ONU et aux États membres de l'Assemblée générale pour la création d'une nouvelle force intermédiaire armée — le début des opérations de maintien de la paix de l'ONU. Pour ses efforts en faveur d'une résolution pacifique de la crise de Suez, Lester B. Pearson s'est vu décerner le prix Nobel de la paix en 1957.
En fait, l'histoire de l'engagement du Canada dans les missions de paix de l'ONU, comme le suggère la mention de Tommy Burns et de l'ONUST, est antérieure de près d'une décennie à 1956 et à Suez. L'Organisme des Nations unies chargé de la surveillance de la trêve a été créé en mai 1948, ce qui signifie que 2023 marquera le 75e anniversaire des opérations de maintien de la paix de l'ONU. Outre l'ONUST, des militaires canadiens servant d'observateurs non armés ont fait partie de la Commission temporaire des Nations unies sur la Corée en 1947 et du Groupe d'observateurs militaires des Nations unies en Inde et au Cachemire, créé en 1949 — ce dernier ayant été marqué par la mort du brigadier-général Harry Angle dans un accident d'avion dans l'Himalaya, le soldat canadien le plus haut gradé tué dans le cadre d'une opération de paix des Nations unies.
Après 1956, et pendant les années de la guerre froide jusqu'au début des années 1990, le Canada est resté un contributeur inébranlable aux opérations de maintien de la paix des Nations unies. Lorsque le prix Nobel de la paix a été décerné aux soldats de la paix de l'ONU en 1988, le Canada avait fourni environ 80 000 des 800 000 « casques bleus » qui avaient servi dans les missions de maintien de la paix de l'ONU dans le monde entier. Le Canada a ainsi fourni 10 $ de tous les soldats de la paix déployés au cours de ces décennies, dans des endroits aussi divers que le Liban, le Yémen, la Palestine, Chypre, le Congo, la Namibie, la Nouvelle-Guinée occidentale, l'Inde-Pakistan, le Cachemire, l'Afghanistan, l'Iran-Irak et (au début des années 1990) en Amérique centrale, au Salvador, au Cambodge et à la frontière entre l'Irak et le Koweït avec la MONUIK à la suite de la guerre du Golfe de 1990–1991.
La fin de la guerre froide a entraîné une croissance rapide du nombre d'opérations de maintien de la paix de l'ONU. Seize nouvelles missions ont été créées entre 1989 et 1993, soit autant que ce qui avait été autorisé au cours des quarante années précédentes. L'année 1993 a été le point culminant (en termes numériques) des engagements canadiens, avec 3 300 militaires canadiens engagés dans des opérations des Nations Unies. Toutefois, à la suite de plusieurs missions de maintien de la paix de l'ONU dans la première moitié des années 1990 — en Somalie, en Croatie puis en Bosnie, et au Rwanda — qui se sont soldées par des désastres, l'ampleur et la portée des opérations de maintien de la paix de l'ONU se sont considérablement réduites. Les contributions militaires canadiennes aux opérations de maintien de la paix de l'ONU ont suivi le mouvement, pour des raisons économiques et politiques nationales autant qu'en réponse directe à ces catastrophes. À la fin de la décennie (et du millénaire), la contribution du Canada aux opérations de maintien de la paix des Nations unies se limitait à 250 personnes en uniforme, dont la majorité — près de 200 — étaient des logisticiens affectés à la FNUOD, la mission d'observation sur les hauteurs du Golan. Cet engagement (appelé Op DANACA pour les Forces canadiennes) sera réduit à quatre, puis à deux, membres du personnel canadien en uniforme occupant des postes d'état-major d'ici 2006.
Plus positivement, le Canada a fourni le commandant de la force pour la Mission transitoire des Nations unies en Haïti en 1997, et pour la Force des Nations unies chargée d'observer le désengagement (FNUOD) en 1999–2000. En 1996, le Canada s'est également associé aux Pays-Bas et à plusieurs autres pays pour créer la Brigade d'intervention rapide en attente pour les opérations de paix de l'ONU (BIRFA). Dans ce dernier contexte, le Canada a fourni une compagnie d'infanterie mécanisée des Forces canadiennes ainsi que des ingénieurs et des logisticiens à la Mission des Nations Unies en Éthiopie et en Érythrée (MINUEE) pour une rotation de six mois en 2000–2001, et le MDN a également fourni plus tard un commandant de brigade de la BIRFA qui a servi comme conseiller militaire principal dans la Mission préparatoire des Nations Unies au Soudan (UNAMIS) et comme commandant adjoint de la force dans la Mission des Nations Unies au Soudan (MINUS), bien que le soutien en personnel fourni par le Canada pour cette initiative soit resté faible.
Dès 1999, le Canada s'est détourné des opérations de maintien de la paix de l'ONU au profit des opérations de l'OTAN, en soutenant et en dirigeant la campagne de bombardement menée par l'OTAN (sans l'autorisation du Conseil de sécurité de l'ONU) contre la Serbie pendant la crise du Kosovo, puis en participant à la Force pour le Kosovo (KFOR) dirigée par l'OTAN, même si cette dernière s'est déroulée sous les auspices d'une opération de l'ONU, la MINUK. Puis, à la suite des attaques terroristes du 11 septembre 2001 contre les États-Unis, les Forces canadiennes se sont engagées de plus en plus dans la guerre avec leurs alliés de l'OTAN en Afghanistan, plutôt que dans le maintien de la paix par l'intermédiaire de l'ONU. Entre 2001 et le retrait des Forces canadiennes des opérations de combat en 2014, la guerre a coûté 165 morts militaires et civils canadiens, environ 2 000 blessés et de nombreux vétérans canadiens souffrant de troubles de stress post-traumatique — plus de 70 suicides de vétérans ont été signalés par la suite comme étant liés au service en Afghanistan — et a coûté entre 10 et 18 milliards de dollars.
Le rang du Canada en tant que contributeur de personnel en uniforme aux opérations de maintien de la paix de l'ONU est tombé à la 70e place sur 120 « États contributeurs de troupes » (TCC). En 2011, le Canada a contribué aux opérations aériennes et maritimes contre le régime libyen de Mouammar Kadhafi, autorisées par le Conseil de sécurité de l'ONU et dirigées par les États-Unis et l'OTAN. Les CF-18 canadiens ont effectué de nombreuses sorties de combat contre les forces de Kadhafi, et une frégate canadienne a effectué des patrouilles maritimes pour faire respecter un embargo sur les armes.
Le Canada et le maintien de la paix aujourd'hui : Hésitant, limité et incertain
Les annonces rhétoriques de 2015 sur le « retour » du Canada en tant que multilatéraliste actif ont suscité des attentes au niveau national, mais aussi international, selon lesquelles le Canada pourrait maintenir ses engagements existants envers l'OTAN — avec plusieurs centaines de soldats canadiens basés en Ukraine et en Lettonie pour soutenir ces États contre l'agression russe, et en Irak pour aider à la formation des forces du gouvernement irakien et mener des opérations contre ISIS — tout en fournissant des ressources supplémentaires aux opérations de maintien de la paix de l'ONU. À la mi-2016, le nouveau gouvernement a annoncé que le Canada fournirait « jusqu'à » 750 personnes (600 en uniforme et 150 civils) aux opérations de paix de l'ONU, probablement en plus du personnel existant. En mars 2018, le gouvernement a annoncé l'engagement du Canada : le déploiement d'une force opérationnelle aérienne pour fournir un soutien en matière de transport tactique et d'évacuation médicale à la Mission des Nations unies au Mali (MINUSMA), consistant en la fourniture de huit hélicoptères et d'un total de 250 membres des Forces armées canadiennes (FAC) pour un déploiement d'un an.
Comme l'indique Walter Dorn dans son rapport régulièrement mis à jour sur le site web « Tracking the Promises », en juin 2021, le Canada n'avait jamais déployé plus de 300 des 750 (ou 862) membres du personnel en uniforme, et ce chiffre plus élevé incluait les 250 membres des Forces armées canadiennes de la mission au Mali dans le cadre d'un déploiement ponctuel. En fait, hormis cette exception, le nombre de militaires canadiens participant aux opérations de maintien de la paix de l'ONU a atteint un niveau historiquement bas. Sur une note positive, le Canada contribue à hauteur de 2,7 $ au budget de maintien de la paix de l'ONU — ce qui en fait le neuvième plus grand contributeur financier à ce budget — et paie régulièrement ses contributions à l'ONU dans les délais impartis, dans leur intégralité et sans conditions. Dans l'ensemble, cependant, M. Dorn conclut que « la rhétorique reste noble sur le papier et dans les discours, mais le gouvernement canadien n'a pas encore joint le geste à la parole ».