Participation du Canada aux futres opérations de paix de l'ONU
Les premières opérations de maintien de la paix de l'ONU
La raison d’être des Nations Unies, que le Canada a contribué à créer en 1945, est énoncée dans le premier chapitre de sa charte :
Les buts de l’Organisation des Nations Unies sont les suivants :
1. Maintenir la paix et la sécurité internationales et, à cette fin : prendre des mesures collectives en faveur de la prévention et de l’élimination des menaces à la paix, et pour la répression des actes d’agression ou autres ruptures de la paix, et de réaliser par des moyens pacifiques, et conformément aux principes de justice et de droit international, les ajustements ou le règlement des différends ou des situations internationaux qui pourraient conduire à une rupture de la paix.
Par la suite, le Chapitre VII décrit les mesures qui peuvent être prises contre les menaces à la paix, les ruptures de la paix et les actes d’agression. Son article 43 stipule ce qui suit :
1. Tous les Membres de l’Organisation des Nations Unies, afin de contribuer au maintien de la paix et de la sécurité internationales, s’engagent à mettre à la disposition du Conseil de sécurité, à son appel ... les forces armées ... nécessaire au maintien de la paix et de la sécurité internationales.
La nécessité de disposer de forces armées capables de maintenir la paix et la sécurité internationales a donné lieu à de multiples propositions visant à mettre en place un processus viable. Ces propositions vont de la création d’une armée de l’ONU à l’assemblée des contingents nationaux.
En tant que membre fondateur de l’ONU, le Canada a été au cœur de ces efforts de paix collectifs. En 1947, les Canadiens faisaient déjà partie d’une commission de l’ONU chargée de superviser des élections en Corée. Entre 1950 et 1954, le Canada a fourni un groupe-brigade à l'« action policière » de l’ONU qui a arrêté les envahisseurs nord-coréens et chinois. Lester Pearson propose la création de « la Force d’urgence de l’ONU » en 1956 pour faire face à la crise de Suez. Secrétaire général Dag Hammarskjöld, a accepté le plan pour la première force de maintien de la paix de l’ONU, utilisant des unités militaires pour s’interposer entre les armées adverses. Le général canadien ELM Burns est nommé commandant de cette force de « maintien de la paix » de la FUNA. C’est l’âge d’or de la diplomatie canadienne où le Canada et l’ONU assument un nouveau rôle qui, depuis lors, fait partie prédominante de sa politique étrangère et de défense.
Les Canadiens ont continué à soutenir les missions de paix de l’ONU pendant la guerre froide, toujours fiers que leur pays fait son devoir ! Parmi les missions subséquentes, citons le Congo, de 1960 à 1964, où le Canada a fourni le réseau de communications, des officiers de liaison bilingues et plusieurs chefs clés (Berthiaume, Dextraze) pour la force de l’ONU de 20 000 hommes ; la crise de Chypre en 1964, ou le Canada a fourni de multiples bataillons d’infanterie et a mis fin à l’attaque turque sur Nicosie ; la nouvelle FUNI II en Égypte, après la guerre du Kippour de 1973 ; et la Force de désengagement de l’ONU sur le Golan. Puis la mission en Namibie a créé un précédent, en devenant une opération civilo-militaire « multidimensionnelle », le GANUPT, en 1978. En 1990, la Namibie a célébré son indépendance.
Les opérations de paix de l’après-guerre froide
Après la chute du mur de Berlin en 1989, les opérations de maintien de la paix de l’ONU ont été discréditées par une série de missions ratées. Il s’agissait notamment de la guerre civile en Somalie, du génocide au Rwanda, du massacre de Srebrenica, du conflit au Darfour et des guerres au Congo où six millions de personnes ont trouvé la mort depuis 1996.
Au sein du Conseil de sécurité, les mandats de l’ONU sont devenus plus complexes et ambitieux, traitant de ces conflits internes plutôt que de questions plus simples de souveraineté et de cessez-le-feu. Ils ont chargé les casques bleus de l’ONU d’assurer la sécurité, de protéger les civils, de neutraliser les milices, de dissuader les menaces, de rétablir l’autorité de l’État, de reconstruire le secteur de la sécurité et de protéger les droits de l’homme. Pour ce faire, ils ont ordonné aux troupes de l’ONU de recourir à un maintien de la paix « robustes » et, parfois, à « toutes les mesures nécessaires ».
Les commandants des forces de l’ONU ont été invités à décrire les défis auxquels ils sont confrontés. Ils ont souligné l’inefficacité de nombreux contingents nationaux, incapables de défendre la mission, d’appliquer « tous les moyens nécessaires » ou de protéger les civils. D’autres ont reçu des instructions de leur pays qui interdisent une défense « robuste ». Le Service de contrôle interne de l’ONU a signalé un manquement persistant à l’obligation d’intervention par la force lorsque des civils étaient attaqués. Un deuxième problème crucial est que la mobilisation et le déploiement des forces de l’ONU dans la zone de la mission sont trop lents.
En réponse à ces critiques de la part des commandants des forces et des observateurs, les mandats du Conseil de sécurité sont devenus moins contraignants et les structures des forces sont devenues plus performantes. Certaines missions de l’ONU ont été renforcées par des contingents robustes à réaction rapide, prêts à assumer les tâches plus difficiles de protection des civils, faire face à « spoilers », et « l’imposition de la paix ».
Les pays fournisseurs de contingents (TCC) ont également présenté des propositions. En 1995, le Canada a plaidé en faveur des forces de réaction rapide pour l’ONU. C’est ainsi qu’est née la « Brigade multinationale d'intervention rapide des forces en attente des Nations Unies » BIRFA (SHIRBRIG en anglais), créée par le Danemark et une douzaine de pays du monde développé, y compris le Canada. Il a fourni des troupes bien préparées, en attente pour un déploiement rapide à la demande du Conseil de sécurité. Il a d’abord été déployé pour surveiller le cessez-le-feu et la démarcation de la frontière entre l’Éthiopie et l’Érythrée. Le bgén canadien Gregory Mitchell a commandé la brigade de 2004 à 2006. Cependant, la brigade était plus importante que nécessaire pour la plupart des missions de l’ONU et a été fermée en 2009.
Au Congo, la « Brigade d’intervention de la Force » de l’ONU, créée par les pays africains concernés, a été autorisée par une résolution de l’ONU en 2013. Sa mission était de mener des « opérations offensives ciblées » très mobiles pour neutraliser et désarmer les groupes rebelles armés désignés tels que le M23. Cette brigade africaine a connu le plus grand succès lors de ses premières opérations et est largement évoquée comme un modèle qui pourrait être adopté pour d’autres missions difficiles de l’ONU.
Au Soudan du Sud, la résolution 2304 de 2016 a ordonné la création d’une Force régionale de protection de 4 000 personnes chargée d’assurer la sécurité et la liberté de mouvement à Juba, la capitale. Elle a un mandat distinct et plus robuste que la force de maintien de la paix mère, la MINUSS. Elle est autorisée à utiliser tous les moyens nécessaires et à engager rapidement et efficacement tout acteur dont il est jugé de manière crédible qu’il prépare des attaques. Au moment où nous écrivons, il semble avoir réussi.
En 2015, en réponse à la recommandation du Groupe indépendant de haut niveau sur les opérations de paix (HIPPO), le Secrétaire général a autorisé la création de la capacité VANGUARD. Il s’agit d’une force de réserve de 4 000 hommes qui permettrait à l’ONU d’insérer rapidement une capacité militaire dans une nouvelle zone de mission ou de renforcer une mission existante. Il s’agit d’une brigade militaire et policière intégrée composée d’unités d’infanterie, d’hélicoptères d’attaque, d’éléments habilitants (enablers) et d’autres unités de soutien. Il dispose d’un noyau permanent de commandement, mais ses unités restent à leur base d’attache jusqu’à ce qu’elles soient déployées par le Consei0l de sécurité. Les premiers éléments se déploient dans les 10 jours, tandis que le reste de la force est déployé par phases de 30 à 90 jours. Cette force est maintenant entièrement dotée de tous ses effectifs nécessaires (engagés pledged), mais n’a pas encore été utilisée. Elle ne comporte pas de composante canadienne.
Les réunions ministérielles de 2023
La capacité des opérations de paix de l’ONU dépend de la contribution volontaire des États Membres de l’ONU en termes de troupes, de la police et d’autres ressources. Les chefs de gouvernement et les ministres se réunissent lors de « réunions ministérielles » tous les ans ou tous les deux ans pour exprimer leur soutien au maintien de la paix de l’ONU et s’engager à fournir des troupes. L’ordre du jour s’est élargi depuis 2014 pour inclure désormais des questions telles que le genre et les besoins de formation. Le Secrétaire général a publié un plan, « Action pour le maintien de la paix », qui répond à ces préoccupations. Toutefois, le Secrétariat de l’ONU souligne que « la création de capacités hautement performantes et spécialisées et d’autres engagements pour répondre aux besoins de l’ONU » est essentielle.
Pour satisfaire à cette exigence, les pays doivent s’engager à fournir, de manière significative, leurs ressources militaires et policières, en utilisant le Système des besoins requis en capacité de maintien de la paix (PCRS) de l’ONU. Ce système permet de discuter entre l’ONU et les pays contributeurs, ce qui abouti à l’enregistrement des engagements d’unités militaires, policiers et de défense civile.
La prochaine réunion « ministérielle » biennale aura lieu à Accra, au Ghana, les 5 et 6 décembre 2023. Une liste des lacunes à combler dans la dotation des besoins de l’ONU a été publiée, accompagnée d’une demande de prendre des engagements nationaux dans les meilleurs délais. Elle comprend des bataillons d’infanterie, des unités d’hélicoptères d’attaque, des unités de protection de la force, des unités d’hélicoptères utilitaires, des compagnies de réaction rapide, des unités de déminage du génie, des unités de reconnaissance et différentes unités logistiques et habilitantes. Les besoins qui sont « en forte demande et en faible offre » sont les hélicoptères, les aéronefs à voilure fixe, les bataillons d’infanterie, les unités de neutralisation des explosifs et munitions et les compagnies de forces réaction rapide.
La contribution actuelle du Canada à la capacité de maintien de la paix de l’ONU est embarrassante. En février 2023, il se compose de 5 experts de mission, 22 officiers d’état-major, 31 policiers et 0 soldats. Le dernier engagement pris par le Canada date de six ans lors de la réunion ministérielle de 2017 à Vancouver. Il s’agissait de transport aérien tactique, d’une force opérationnelle d’hélicoptères et d’une force de réaction rapide de 200 personnes. Les hélicoptères, qui effectuaient également des évacuations médicales, ont été très appréciés. Cependant, l’engagement d’une Force de réaction rapide n’a jamais été enregistré, malgré des discussions avec l’ONU. Les contacts que l’auteur a eu en mai avec la Défense nationale indique que notre ambassade à l’ONU à New York soutient pleinement le processus « d’engagement » de troupes de l’ONU, et qu’elle est actuellement en pourparlers avec le Département des opérations de paix de l’ONU concernant nos contributions futures.
L’ONU, avec toutes ses faiblesses, demeure la seule institution dont dispose le monde pour s’engager dans la diplomatie et régler les conflits et les différends sans recourir à la guerre. L’efficacité de l’ONU nécessite des ressources militaires et policières très performants que le secrétaire général peut déployer à l’appui de ses interventions. Sans une telle capacité, le secrétaire général n’est qu’une voix qui crient dans le désert. Les sondages actuels indiquent que la population canadienne continue d’appuyer notre participation aux opérations de paix. Le Canada a fourni 125 000 membres des Forces armées et policiers à de telles opérations au cours des 75 dernières années, apportant ainsi une contribution admirable à la paix dans le monde. Nous avons perdu 123 de ces soldats de la paix, qui ont donné leur vie pour cette cause. Il incombe désormais au Canada de reprendre notre appui aux opérations de paix de l’ONU. Le monde entier surveillera la délégation du Canada à Accra en décembre.