Ce que nous enseignons ou comment nous pensons ? Réflexion sur le maintien de la paix et les opérations de paix
Je n'ai jamais participé à une mission de maintien de la paix, alors pourquoi ma réflexion sur le maintien de la paix est-elle importante ? Depuis 1996, je sers mon pays de manière civile, en formant et en éduquant des apprenants militaires pour qu'ils contribuent à la paix et à la sécurité mondiales dans un environnement toujours plus complexe de conflits et de calamités
Voici ma réflexion personnelle en tant qu'éducateur d'apprenants militaires — canadiens et internationaux — sur le passage de ce que nous enseignons sur le maintien de la paix à la façon dont nous pensons à la paix et à la sécurité.
Voici ma réflexion personnelle en tant qu'éducateur d'apprenants militaires — canadiens et internationaux — sur le passage de ce que nous enseignons sur le maintien de la paix à la façon dont nous pensons à la paix et à la sécurité.
En 1996, j'avais 24 ans et je sortais de l'université de Guelph avec un diplôme professionnel d'architecte paysagiste. Ma demande de stage au Centre Pearson pour le maintien de la paix (CPMP) à Cornwallis (NS), a été acceptée, et je suis arrivé là-bas sans rien savoir du maintien de la paix. J'étais d'un tempérament créatif et j'ai cherché à appliquer ma formation aux négociations de paix basées sur le territoire, car les conflits armés se déroulent dans des lieux, et j'avais une connaissance approfondie de l'importance des lieux pour les gens. J'ai appris que les autres stagiaires et membres du personnel étaient titulaires de maîtrises en sciences politiques, en relations internationales et en études de sécurité. Je n'ai pas pu m'en empêcher. Je devais faire mes preuves dans un environnement où certains de mes pairs civils ridiculisaient mon éducation et ma valeur pour l'organisation.
Le CPP organisait des cours d'une semaine, de deux semaines et de six semaines. À l'époque, le ministère de la Défense avait conclu des accords officiels pour (re)former les militaires des anciens pays du Pacte de Varsovie. Cet objectif était atteint par le biais d'une série de programmes et de moyens différents, dont le CPMP. Les cours accueillaient des participants de ces pays, de nations africaines, ainsi que de ce que nous appelons aujourd'hui les « cinq yeux ». Les stagiaires avaient une composition nationale similaire, et ce programme de classe mondiale était composé de jeunes professionnels du Canada, de Grande-Bretagne, des États-Unis, de France, du Kenya, d'Allemagne et du Ghana, parmi beaucoup d'autres. Après les études quotidiennes en classe — avant que le CPMP n'adopte une philosophie d'apprentissage par la pratique en 2003 — les participants au cours, le personnel et les stagiaires s'organisaient en équipes de football que nous appelions « Canada contre le monde ». Tous les autres représentants nationaux se mesuraient aux Canadiens lors de ces matchs de football sur le terrain situé devant le mess des officiers de l'ancienne BFC Cornwallis. Il suffit de dire que le Canada perdait toujours et que c'était toujours dans la bonne humeur. Nous nous retrouvions ensuite au mess des officiers pour prendre un verre après le match, avant de passer au dîner, au cours duquel les amitiés et les conversations s'installaient et duraient au-delà de la fin de chaque plat. Les préoccupations géopolitiques, les différences de commandement, l'utilité du maintien de la paix et des Nations unies, ainsi que les nouvelles menaces pour la sécurité sont devenues un terrain d'entente, plutôt que des divisions contentieuses.
Sous le mentorat et la tutelle des fondateurs du CPP, le lieutenant-colonel Alex Morrison (retraité) et le brigadier-général Don MacNamara (retraité), j'ai pris conscience de l'identité du Canada en tant que nation de maintien de la paix et de la responsabilité éthique professionnelle des formateurs et des éducateurs militaires.
J'ai appris à apporter de la valeur à l'organisation et à avoir confiance en ma formation qui m'avait préparé à comprendre la culture militaire, l'identité et le comportement humain.
Ce dont j'ai pris conscience en 1996, puis entre 2003 et 2009 en tant que chercheur principal du CPMP, c'est que les résultats des opérations de maintien et de rétablissement de la paix aux niveaux stratégique, opérationnel et tactique sont fondamentalement basés sur le comportement humain. Il est apparu que la formation et l'entraînement militaires avaient moins à voir avec des diplômes en sciences politiques ou avec la capacité de discerner le libéralisme du réalisme, qu'avec l'observation fine du comportement humain comme clé de voûte de la réussite sur le terrain. En outre, former et éduquer d'une certaine manière émancipe l'apprenant militaire des modes de pensée préconçus et permet l'exploration et la créativité dans son approche de la sécurité. Dans ce cas, le CPMP était l'environnement idéal pour que les représentants nationaux écoutent, apprennent et forgent de nouvelles idées sur la nature des conflits et sur leur façon d'envisager le maintien de la paix, les opérations de paix et, plus généralement, la paix et la sécurité.
Au fur et à mesure que j'avançais en maturité et que j'approfondissais ma propre maîtrise en études sur la guerre, suivie d'un doctorat en géographie culturelle axé sur la reconstruction d'après-guerre, j'ai observé que certains des succès et des échecs des missions expéditionnaires du Canada dépendaient de la qualité et de la profondeur des relations entre les États, entre les organisations, entre les départements gouvernementaux, entre les forces armées, entre les parties prenantes locales et entre les acteurs militaires. Des montagnes ont pu être déplacées et des résultats pacifiques renforcés lorsque des amitiés forgées dans le cadre de programmes de formation tels que ceux du CPMP ont permis à une personne de prendre le téléphone ou d'organiser une réunion pour communiquer ses intérêts. Il était extraordinaire de voir les relations humaines sauver la situation, ou l'absence de relations humaines se traduire par des succès fragiles et à court terme pour les populations touchées par la guerre dans le monde entier.
En 2005, je me suis lancé dans l'aventure de l'enseignement universitaire, en enseignant au Collège militaire royal de Kingston et, plus tard, au Collège des Forces canadiennes de Toronto. J'ai élaboré des cours de deuxième cycle sur le maintien de la paix et les opérations de paix, ainsi que sur les opérations complexes. Je me suis éloigné de la formation pour me concentrer sur l'éducation des officiers. J'ai été confronté à la façon de penser des jeunes cadets au début de leur carrière, ainsi qu'à celle des officiers d'âge mûr préparés au commandement.
Ce qui a vraiment retenu mon attention, c'est d'observer comment les acteurs militaires s'adaptaient à des défis nouveaux et complexes en matière de réflexion dans la salle de classe. À mesure que l'armée canadienne s'éloigne des opérations traditionnelles de maintien de la paix pour se tourner vers les opérations de contre-insurrection, les opérations humanitaires et les interventions en cas de catastrophe, la liste des sujets que le personnel militaire est tenu d'apprendre s'est considérablement allongée. La liste est trop longue pour le temps de formation et d'éducation disponible. Répondre avec succès à des opérations changeantes exige non seulement des connaissances opérationnelles approfondies, mais aussi une flexibilité intellectuelle permettant de penser différemment l'environnement opérationnel. Que devons-nous enseigner à nos apprenants militaires lorsque le temps disponible est insuffisant pour couvrir tous les sujets ?
Depuis 2016, je cherche à mieux comprendre non seulement ce qui est enseigné aux officiers militaires canadiens, mais aussi, et surtout, comment nous enseignons aux apprenants militaires. En tant qu'éducateur militaire civil, comment puis-je, en fait, aider les apprenants militaires à être meilleurs dans les opérations de paix ? Et comment puis-je préparer les apprenants militaires à relever les défis les plus redoutables de notre époque en matière de sécurité ? J'ai été contacté par des étudiants du programme de commandement et d'état-major interarmées et du programme de sécurité nationale qui se sont efforcés de modifier leur façon de penser. Certains ont fait l'éloge des techniques et des stratégies permettant d'adopter des approches plus ouvertes et plus réfléchies de l'apprentissage de l'environnement de sécurité complexe et émergent dans lequel ils doivent diriger. Certains étudiants sont enthousiastes à l'idée d'apprendre à penser différemment, tandis que d'autres évoquent le caractère douloureux et inconfortable du processus. D'autres commentent à quel point la relation entre l'éducateur et l'apprenant militaire est fondamentale pour permettre l'ouverture et la curiosité dans la salle de classe.
Comme je l'ai observé à mes débuts au CPMP, le comportement humain — en particulier nos relations les uns avec les autres — est fondamental pour les résultats éducatifs, y compris la façon dont les apprenants militaires envisagent les opérations.
L'époque de la formation au maintien de la paix est peut-être révolue — tout comme les vestiges de l'identité canadienne en matière de maintien de la paix — mais ce qui reste, ce sont des apprenants militaires adaptables et intelligents, capables de penser différemment la résolution des conflits et la création d'environnements sûrs. Je sais par expérience qu'ils sont prêts à relever le défi. En tant qu'éducateur militaire, je dois rencontrer les apprenants là où ils en sont et améliorer la relation éducateur-apprenant en développant une salle de classe qui émancipe la pensée. En effet, la résolution des conflits et la création d'un environnement propice à une paix et une sécurité durables reposent sur les relations humaines. C'est en nous faisant confiance les uns les autres qu'ensemble nous relèverons les défis de cet environnement de plus en plus complexe de conflits et de calamités.
Je tiens à remercier les milliers d'apprenants militaires avec lesquels j'ai eu le privilège de travailler depuis 1996. Votre dévouement à la paix et à la sécurité a fait la différence pour le Canada et les populations locales dans le monde entier.
Sarah Jane Meharg est une sommité en matière de reconstruction sociale, culturelle et économique après une guerre ou une catastrophe naturelle. Récipiendaire du prix Top Women in Defence en 2020, Sarah est professeur adjoint, chercheuse et consultante dans le secteur privé. Le ministère de la défense nationale fait souvent appel à elle pour aider les forces armées sur des questions liées à la reconstruction culturelle et économique dans des environnements conflictuels tels que l'Afghanistan, la Syrie, Haïti, l'Irak et les Balkans.