Calgary, AB, Canada
Dave McCracken
Résidence actuelle : Thailand
Le paradoxe de mon expérience de gardien de la paix est que j’ai été déployé pour combattre un ennemi qui n’a signé aucun traité de paix et qui a continué sans relâche à tuer et à mutiler des victimes innocentes 24 heures sur 24, en toutes saisons. Mon travail consistait à éliminer les mines terrestres et les munitions non explosées (UXO) dans les zones de guerre.
Déployé en 1977 auprès de la Force d’urgence des Nations unies (FUNUII) en Égypte, j’ai servi en tant qu’opérateur radio et répartiteur au sein du 73e escadron de transmissions. J’étais basé à El Tasa, dans le désert du Sinaï, dans la zone tampon des Nations unies entre les armées égyptienne et israélienne. Ces fonctions comprenaient le travail satisfaisant de conduire une jeep dans toute la zone tampon du désert du Sinaï pour livrer des fournitures et des messages. En négociant d’étroites pistes de sable, à travers des zones fortement minées, j’ai été confronté pour la première fois à des mines terrestres dans le désert du Sinaï.
L’opération SALOM était un programme de développement des Nations unies créé pour former les réfugiés afghans au déminage des restes explosifs de guerre (REG). J’ai été déployé en 1989 avec une équipe de formation à Peshawar et Risalpur, au Pakistan, en prévision du retour d’un million de réfugiés dans l’Afghanistan déchiré par la guerre. Ce fut un véritable défi que d’enseigner à des tribus afghanes illettrées les techniques dangereuses de localisation et de destruction des mines terrestres, notamment en intégrant des équipes de chiens démineurs et des pelotons de déminage. L’approche unique de nos instructeurs canadiens a permis d’adapter la formation hautement technique en surmontant les difficultés culturelles et linguistiques. Il a été particulièrement difficile de convaincre les démineurs afghans que les chiens sont amicaux et peuvent sentir les mines terrestres.
En 1991, le 1er régiment du génie de combat a été déployé dans le cadre de la mission d’observation des Nations unies pour l’Irak et le Koweït (MONUIK) après la première guerre du Golfe. La mission consistait à créer une zone tampon entre le Koweït et l’Irak, à construire des postes d’observation et des itinéraires sûrs et à éliminer les munitions non explosées. Mon rôle consistait à soutenir nos troupes dans le désert en assurant le ravitaillement et la maintenance au quotidien. Le professionnalisme de nos ingénieurs de combat canadiens dans l’accomplissement de leurs tâches, y compris l’élimination de munitions non explosées extrêmement dangereuses, a été une source d’inspiration et a fait honneur au Canada.
À mon retour du Koweït, j’ai été immédiatement redéployé, en 1992, avec une équipe d’experts du génie rapidement constituée, auprès de la Mission préparatoire des Nations unies au Cambodge (MIPRENUC) afin de préparer des conditions sûres pour permettre à l’Autorité provisoire des Nations unies au Cambodge (APRONUC) de mettre en œuvre une élection nationale. J’ai été affecté en tant que conseiller technique principal en matière de mines terrestres au Centre d’action contre les mines du Cambodge (CAMC). Notre tâche consistait à localiser et à documenter toutes les zones minées connues et à déployer des démineurs qualifiés. Cette mission essentielle a permis le déploiement sans incident de mines des soldats de la paix et le retour d’un million de réfugiés dans d’anciennes zones de combat lourdement minées afin qu’ils puissent voter.
Je suis resté au Cambodge avec l’équipe canadienne pendant deux ans et demi, déployant plus de 2 500 démineurs dans des équipes réparties dans tout le pays. Cette mission, d’après moi fut l’expérience la plus enrichissante en matière de maintien de la paix. J’ai été témoin de la bravoure incessante des Cambodgiens qui déposaient leurs armes et prenaient des détecteurs de mines pour libérer leur pays de ce fléau mortel. Aujourd’hui encore, les démineurs de la CAMC continuent de déminer les terres pour permettre aux familles de gagner leur vie.
Après la mission au Cambodge, je suis rentré à Chilliwack, en Colombie-Britannique, après 20 ans de fiers services militaires rendus au Canada et aux Nations unies. Après avoir retiré mon uniforme, j’ai été recruté par le Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations unies (UNOCHA) en tant qu’officier chargé du déminage pour l’Angola. Mon rôle principal consistait à reconnaître des sites de cantonnement potentiels (exempts de mines terrestres) pour les forces de guérilla de l’Union nationale pour l’indépendance totale de l’Angola (UNITA) afin de les démobiliser sous la supervision des Nations unies. Mon souvenir le plus marquant est celui des victimes de mines terrestres non soignées, souffrant de plaies gangrenées et ouvertes dans des villes isolées de tout l’Angola, une situation qui perdurait alors que l’état de guerre et les négociations continuaient.
Alors que la paix s’enlisait en Angola, j’ai été recruté pour diriger un projet de Handicap International visant à créer une unité de déminage supplémentaire pour la CAMC. De retour parmi de vieux amis au Cambodge, je me suis attelé à la tâche de former, d’équiper et de déployer une unité de la taille d’un bataillon dans la province de Kompong Thom, l’ancienne patrie de Pol Pot, encore partiellement occupée par les Khmers rouges génocidaires. Les Khmers rouges ont mis ma tête à prix (elle n’était que de 6 000 bahts thaïlandais, soit l’équivalent d’une somme dérisoire de 240 dollars canadiens), mais heureusement, grâce à notre réputation de libérateurs de terres, les populations locales nous ont toujours informés des allées et venues des Khmers rouges, et nous avons gardé une longueur d’avance sur eux.
Le département d’État américain m’a successivement demandé de mettre en place le Centre d’action contre les mines à Thailand (CAMT) en 1999 et le Centre d’action contre les mines en Irak (CAMI) en 2003. Le programme du CAMT comprenait la mise à niveau de l’école de chiens démineurs de Pak Chong et le déploiement d’équipes de chiens démineurs aux côtés de quatre unités frontalières engagées dans le déminage humanitaire. Il était gratifiant de travailler avec des professionnels thaïlandais qui se consacraient à l’élimination des mines terrestres dans les communautés frontalières.
Arrivé en Irak en juin 2003, peu après la libération de Bagdad, j’ai participé à la mise en place du CAMI. Une guerre d’insurrection a commencé et ma mission consistait à réemployer les anciens démineurs kurdes des Nations unies dans le nord de l’Irak et à former de nouvelles équipes de déminage à partir de l’ancienne armée irakienne. Le souvenir que je garde de cette mission est le courage inébranlable des Irakiens qui bravaient les voitures piégées, les attaques au mortier et à la roquette pour venir travailler tous les jours, sans faute, afin d’apprendre le déminage humanitaire. Il s’agissait d’un travail à haut risque pour tous.
Je suis fier de dire qu’au cours de mes 20 années de service militaire et de mes 25 années de missions civiles de déminage humanitaire à haut risque, personne n’a été tué, blessé ou mutilé sous ma surveillance. J’attribue cela aux compétences que j’ai acquises en tant qu’ingénieur de combat canadien, aux excellents exemples de leadership que j’ai rencontrés en cours de route et aux bons conseils reçus de mes compagnons d’armes et de milliers de démineurs dévoués. Je suis redevable à ces hommes et femmes courageux qui portent l’uniforme de démineur et risquent leur vie tous les jours. Ils sont mes héros ; qu’ils soient tous bénis.
Biographie
Mon père, William (Bill) McCracken, a participé à la guerre de Corée sous l’égide des Nations unies en servant dans l’escadron « C », Lord Strathcona’s Horse (Royal Canadians) en 1951. Il a combattu les forces communistes nord-coréennes et chinoises qui ont envahi la Corée du Sud, puis a poursuivi son service dans le corps blindé pendant 25 ans. Ma mère, Mary (née Crane), était une jeune Anglaise qui a survécu au bombardement allemand de sa ville, Coventry, en Angleterre, avant d’immigrer au Canada en tant que sténographe après la Seconde Guerre mondiale.
Née à Calgary (AB) le 28 février 1956, j’ai vécu le mode de vie nomade d’une famille de militaires, puisque nous avons été affectés un peu partout au Canada et, à deux reprises, en Allemagne de l’Ouest. En grandissant dans une famille de militaires dans les années 1960 et 1970, on est très conscient de la menace de la guerre froide et de la possibilité d’une guerre nucléaire.
Suivant les traces de ma conscience et de mon père, je me suis engagé en 1975 dans l’armée à la base des Forces canadiennes de Lahr, en Allemagne de l’Ouest, et j’ai terminé ma formation professionnelle à la BFC Chilliwack, en Colombie-Britannique, au grade de sapeur. En tant que sapeur de campagne, aujourd’hui appelé sapeur de combat, je me suis lancé dans une aventure de 20 ans. Au Canada, j’ai été affecté au 3e escadron de campagne, au 1er régiment du génie de combat, à l’École du génie militaire des Forces canadiennes (tous à Chilliwack, en Colombie-Britannique) et au 22e escadron de campagne à Gagetown (NB).
J’ai connu une carrière militaire passionnante qui m’a amené à participer à quatre missions enrichissantes de maintien de la paix et de développement des Nations unies dans le désert du Sinaï, en Égypte, à Peshawar, au Pakistan, au Koweït et au Cambodge. En tant que sapeur, mon entraînement intensif m’a permis d’acquérir des compétences uniques dans les domaines du génie de combat, de la plongée de combat, de la lutte contre les mines terrestres, de la démolition et de la neutralisation des explosifs et munitions (NEM). J’ai fini par enseigner et maîtriser toutes ces compétences en tant qu’instructeur. Par chance, ces compétences m’ont sauvé la vie, ainsi qu’à d’autres, à de nombreuses reprises.
Après avoir pris ma retraite des Forces armées canadiennes, j’ai été recruté par les Nations unies, des gouvernements, des ONG et des sociétés commerciales pendant 25 ans pour travailler dans le secteur de l’action humanitaire contre les mines, avec des projets dans le monde entier, notamment en Angola, au Cambodge, au Laos, à Washington DC, en Thaïlande, en Irak, au Viêt Nam, au Sri Lanka et au Timor-Oriental.
Ma ville natale est Chilliwack, en Colombie-Britannique, où réside ma famille. Mon fils Blake et mon petit-fils Maxwell vivent à Grapevine, au Texas, et ma fille Heather et ma petite-fille Nora vivent à Saint John’s, à Terre-Neuve. Présentement, je vis à Nakon Ratchasima, en Thaïlande, avec ma femme Tui et je continue à m’engager dans des projets de déminage humanitaire. Au moment où j’écris cette biographie, en février 2023, je participe à une enquête sur les armes chimiques dans les provinces orientales du Cambodge, un vestige explosif et toxique de la guerre du Viêt Nam. Chimo !
Démonstration de la méthode de détection des mines.
Opérations d’enquête sur les champs de mines dans le nord-est du Cambodge.