Brantford, ON, Canada
Michael Pearson
Résidence actuelle : New Maryland, NB, Canada
En octobre 1984, j’ai eu la chance d’être stationné à London (ON), en tant que commandant de peloton au sein du 1er bataillon du Royal Canadian Regiment. Nous avions l’indicatif 11, le premier peloton de la compagnie du Duc d’Édimbourg. Le bataillon se rendait en Méditerranée pour ce qui était, pour moi, ma première opération de maintien de la paix, connue officiellement sous le nom d’opération SNOWGOOSE.
L’armée canadienne était alors présente sur l’île dans le cadre de la Force des Nations unies à Chypre (UNFICYP) depuis vingt ans. Au cours de la formation préparatoire, les adjudants et sergents très expérimentés de la compagnie avaient donné à tous les jeunes officiers la nette impression que, d’un point de vue opérationnel, il s’agissait d’une zone morte et que rien de grave ne s’était produit depuis des années.
À notre arrivée, et après un transfert facile avec nos collègues de la Princess Patricia Canadian Light Infantry, nous nous sommes installés pour ce qui était en fait un tour d’hiver très tranquille. Nous suivions un programme de base de quatre semaines sur la ligne verte, puis de deux semaines de tâches générales depuis le quartier général, l’ancien Ledra Palace Hotel. La vie d’un commandant de section était plutôt agréable. Je marchais sur la ligne deux fois par jour, je faisais beaucoup d’exercices physiques et nous avions un bon programme sportif inter-compagnies. J’ai même trouvé le temps de faire du ski avec les Britanniques. Tout cela, ainsi que les bons moments passés au mess et les excursions périodiques autour de l’île avec l’ensemble de la section, m’ont permis de vivre une expérience globale très positive.
Sur le plan opérationnel, les sous-officiers qui m’avaient fait croire qu’il ne se passait jamais rien avaient exagéré, mais seulement un peu. Nous avons eu une flambée au Beaver Lodge et des rapports occasionnels de coups de feu (SHOTREP) qui étaient généralement des tirs de camion près du mur à Nicosie. Et puis un jour... l’un de nos commandants de section avait ce que l’on pourrait décrire comme un niveau d’énergie inextinguible. Il en faisait toujours plus que ce qui lui était demandé, au détriment de ses soldats et du QG de la section. Un exemple parmi d’autres : lorsqu’on lui a demandé de repeindre un PO, il aussi « déniché » de l’aluminium et a refait le toit. Il s’est avéré que l’aluminium avait été volé aux Suédois et que l’un des soldats est tombé de l’échelle.
La section vivait dans une maison de ligne, et nous avions la responsabilité de gérer trois postes d’observation (Ops), dont l’OP BASTION, situé, comme son nom l’indique, sur l’un des bastions construits dans le mur d’enceinte de la vieille ville de Nicosie. Le commandant de ma section était contrarié par le fait que, sur une cinquantaine de mètres de l’itinéraire de patrouille, OP BASTION était caché par une rangée de petits arbres qui avaient poussé sans être dérangés au cours des quinze dernières années, depuis que la ligne verte avait été mise en place. Il nous avait demandé à plusieurs reprises de faire quelque chose à ce sujet, mais un vieux et sage commandant en second de la compagnie m’avait conseillé de laisser tomber. Nullement découragé par ma consigne de ne rien faire, le sergent a attendu jusqu’à minuit passé, puis il est sorti seul avec une tronçonneuse et a abattu les arbres. Le lendemain matin, il a déclaré sans sourciller que les arbres étaient tombés ! Peu après, nos amis chypriotes grecs nous ont fait savoir en criant à l’officier de service d’abord, puis au commandant du bataillon ensuite, que nous avions mis leurs troupes en grand danger maintenant que les Turcs avaient une ligne de feu dégagée dans leurs lignes.
À midi, je me tenais à côté d’une longue ligne d’arbres clairement coupés, tentant de m’expliquer avec le colonel, tandis que le chef de section et un malheureux second de peloton subissaient une tirade héroïque de la part du SMR. Aucun signe du commandant de la compagnie. Quatre heures plus tard, la nouvelle est tombée et le commandant de section était sur la ligne, avec toute sa section, bien sûr, pour réédifier chaque arbre et les attacher à leur souche du mieux possible. C’était un spectacle extraordinaire. Pendant le reste de cette tournée et, j’en suis sûr, pendant de nombreuses années par la suite, il était de coutume que chaque tour de ligne s’arrête juste avant OP BASTION pour voir les fameux arbres. Je me demande s’ils sont encore debout … ?
Biographie
Après avoir obtenu son diplôme du Collège militaire royal du Canada en 1983, le colonel Pearson a rejoint le Royal Canadian Regiment, un moment déterminant pour le reste de sa carrière. Outre cette mission de maintien de la paix à Chypre en 1984/85, il a servi dans le deuxième bataillon pendant de nombreuses années, dont une mission de maintien de la paix en Bosnie ainsi qu’à l’intérieur du pays pendant la crise d’Oka.
Après avoir servi dans le régiment, il a été commandant de l’école d’infanterie, a fait partie de l’état-major des opérations de l’armée pendant la guerre, a été commandant de la base de Gagetown et attaché de défense à l’ambassade du Canada auprès de l’ONU à New York. Entre-temps, il a été nommé à deux reprises commandant de la force opérationnelle de l’opération PROTEUS, la contribution du Canada à la mission du coordonnateur de la sécurité des États-Unis en Israël et en Palestine, pour un total de quatre ans à Jérusalem, les deux derniers en tant que général de brigade par intérim.
Le colonel Pearson a quitté l’armée en 2014 après 35 ans de service et travaille présentement à Anciens
Combattants Canada.
Le commandant de la compagnie de Duke, le major Rick Reid.
Quelques soldats du 1er peloton de la compagnie Duke lors d’un voyage de détente dans le nord de Chypre.